Justice climatique : trois réalités bien distinctes

19 juin 2020
par Charline Gagnon

Julie ouvre le robinet : rien. Pas même une petite goutte d’eau. Elle essaie une deuxième fois, pour voir si elle n’est pas simplement coincée à l’autre bout du tuyau. Toujours rien. Un petit stress l’envahit. Avec une chaleur pareille, Julie doit prendre une douche matin et soir, laver ses vêtements sales de sueur et le plus important, s’hydrater. Mais ce matin, tout cela est impossible. Comment se fait-il qu’il n’y ait plus d’eau ? Julie possède pourtant un réservoir personnel pour en avoir à disposition en tout temps. « Je vais demander au voisin, il doit savoir ce qu’il se passe », pense-t-elle. « Pas avant une semaine, répond ce dernier. La pompe est tombée dans le fond du puits municipal. » La panique envahit Julie. Une semaine sans eau, comment pourra-t-elle survivre ?

Marta ouvre le robinet : rien. « Encore une coupure d’eau, espérons qu’elle ne durera pas aussi longtemps que la dernière fois », se dit-elle. Deux mois auparavant, la municipalité avait dû suspendre les services de distribution de l’eau dans son secteur durant une semaine, car la pompe avait un problème de fonctionnement. Heureusement, quand ce genre de situation se produit, la ville fournit de l’eau à partir d’autres réserves pour un temps limité, habituellement entre 4 h et 6 h du matin. « Avec un peu de chance, l’eau courante reviendra dans un jour ou deux », lance Marta.

Carmen actionne la manivelle : rien. Le puits est à sec. Depuis plusieurs années, la région connaît des sécheresses à répétition. Cela fait environ sept ans que d’une année à l’autre, la saison sèche s’étire et la saison des pluies raccourcit. Le puits que Carmen et sa famille possèdent est maintenant inutile. Cette femme d’une vingtaine d’années prend son fils Franklin par la main et se met en route, avec sa chaudière, vers le puits communautaire qui se trouve à un kilomètre de chez elle. « Si Dieu le veut, nous pourrons revenir assez tôt pour que le petit puisse arriver à l’école à temps », songe Carmen.


CAPACITÉ D’AGIR

Julie appelle sa patronne. L’organisation où elle travaille possède de bons réservoirs d’eau et des douches, elle pourra probablement s’y laver. « Il n’y a pas de problème, Julie, lui répond sa supérieure. Tu peux même utiliser la machine à laver, si tu as besoin ! » Soulagée, Julie se dirige vers le marché, où elle achète plusieurs bidons d’eau purifiée. « Comme ça, je vais pouvoir faire mes affaires à la maison », se dit Julie. Faire la cuisine, la vaisselle, arroser les plantes, tirer la chasse d’eau, maintenir l’appartement propre. 

Marta se réveille. Elle regarde son téléphone, 4 heures précises. C’est l’heure d’accumuler de l’eau pour la journée. Marta possède deux barils, que José, son mari, remplit avec l’eau disponible à cette heure seulement, jusqu’à nouvel ordre. Cette eau permettra à la famille de se laver, à l’aide d’un sceau, comme ils sont accoutumés à le faire quand ce genre de situation survient. Helena, la femme qui aide à la maison, pourra utiliser cette eau pour préparer le repas également. Mais le lavage des vêtements devra attendre ! « Si l’eau ne revient pas avant dimanche, je me lèverai dans la nuit pour laver ce qu’il faut », affirme Marta.

Carmen remonte la pente qui mène jusqu’à sa petite maison. La voie est peu dégagée et très rocailleuse. Elle doit être prudente pour ne pas tomber et échapper la chaudière remplie d’eau qu’elle porte sur la tête. Franklin transporte un gallon d’eau lui aussi, qu’il pourra apporter à l’école. Au puits, elle s’est dépêchée de laver son fils pour qu’il soit prêt pour la journée, même s’il devra arriver un peu en retard. Elle n’a pas pris le temps de faire sa toilette. « Je m’occuperai de ça plus tard. Je vais faire à manger et s’il reste de l’eau, nettoyer quelques vêtements. Puis, je retournerai me laver au puits. »


LEUR QUOTIDIEN

Julie est une volontaire québécoise au Nicaragua. Le Québécois moyen consomme 329 litres d’eau par jour. C’est pourquoi le manque d’eau pour une semaine est difficile à gérer pour elle. Il lui est difficile d’adapter ses activités quotidiennes à cette nouvelle réalité et elle ne pense pas toujours à faire attention à la manière dont elle utilise cette ressource au quotidien. 

Marta est une Nicaraguayenne de classe moyenne. Elle vit dans un quartier central de la ville et possède une petite maison où elle vit avec son mari et ses trois enfants. Sa famille consomme environ 500 litres d’eau par jour, donc 100 litres par personne. Elle est habituée aux coupures d’eau courante et n’est pas étrangère à réaliser ses tâches quotidiennes dans la contrainte. Même quand l’eau est disponible, elle évite de dépenser trop d’eau, car les effets de la sécheresse se manifestent à tout moment.  

Carmen vit dans une communauté rurale du Nicaragua. Son mari et elle possèdent une petite maison de deux pièces sur le terrain familial où se trouve aussi la maison de son frère et celle de ses parents. Les enjeux associés à l’eau ont toujours fait partie de sa réalité et le seront de plus en plus à cause des sécheresses intensifiées par les changements climatiques. Chaque membre de sa famille utilise en moyenne 23 litres d’eau par jour.

Alors que les terres étaient autrefois cultivées deux fois dans l’année, il n’est maintenant possible de le faire qu’une seule fois. Par conséquent, la rareté des produits engendre la hausse des prix des ressources alimentaires, comme les fèves et le maïs. Les agriculteurs doivent chercher de nouvelles sources de revenus pour subvenir à leurs besoins. Ils se dévouent donc à la coupe de bois dans une région où la déforestation menace la pérennité des ressources hydriques régionales. 


JUSTICE CLIMATIQUE

L’Amérique centrale est l’une des régions du monde les plus touchées par les changements climatiques.

Nous pouvons demander à Marta et Carmen de protéger leurs sources d’eau, de replanter des arbres, de se dévouer à l’agriculture biologique et de réduire leur production de déchets, afin de réduire les effets de ces changements dont elles sont les principales victimes. Mais avant tout, questionnons-nous : le poids de ce combat doit-il reposer entièrement sur leurs épaules ?

Charline Gagnon, stagiaire à l’étranger du CSI 


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