4 mois au Pérou: un bilan

2 juin 2020
par Frédérique Guy-Crevaux

Voilà déjà quatre mois que j’ai entrepris cette aventure qu’est le programme de stages professionnels pour les jeunes. Quatre mois de découverte d’une autre culture, d’attachement à ma famille d’accueil et de liens tissés dans cette nouvelle vie que j’ai appris à aimer et que je devrai bientôt quitter, non pas sans quelques larmes. 

Avant d’entreprendre cette aventure, on me demandait régulièrement quelles étaient mes aspirations professionnelles. Avec hésitation, je répondais que je souhaitais oeuvrer en milieu scolaire auprès des adolescents et investir mon temps dans des causes importantes à mes yeux. Je voulais être ne serait-ce qu’un petit maillon dans cette grande chaine qu’est le changement. Pourquoi donc cette hésitation? Car, sortant tout juste de l’université et n’ayant que de piètres expériences bénévoles dans ces milieux, je ne me sentais toujours pas assez solide dans l’exécution de mon travail.

C’est alors avec grand enthousiasme que j’ai décidé de me lancer dans le Programme de stages internationaux pour les jeunes. Mon mandat : agir à titre d’intervenante sociale au sein d’un organisme communautaire péruvien luttant contre la violence faite aux femmes, Ayni Desarrollo. On m’y a notamment enseigné à animer des ateliers éducatifs dans les écoles secondaires.

Si lorsqu’on pense à l’adolescence, cette période de vie parsemée de changements, d’émotions et de recherches identitaires, il est facile de tomber dans la critique. En prenant le temps d’écouter ces jeunes, on s’aperçoit qu’ils ont beaucoup à dire sur le futur de leur communauté. À Collique, j’ai découvert chez les adolescents une ouverture et un désir de parler de sujets plutôt tabous tels que le consentement sexuel et les relations toxiques.

INTERVENIR dans les écoles

En arrivant à l’entrée de l’école où avait lieu mon premier atelier, j’étais bien nerveuse. Plusieurs questions me traversaient l’esprit : « Va-t-on me comprendre avec mon accent québécois? » ; « Seront-ils intéressés à participer durant l’atelier? » ; « Que comprennent-ils déjà des sujets que nous aborderons? » ; « Comment est-ce perçu dans les milieux scolaires péruviens de parler de sexualité, d’homosexualité et de féminisme? ».

Ma nervosité s’est rapidement dissipée en me tournant vers ma collègue qui parlait avec aise du caractère toxique des relations amoureuses, amicales, familiales et hiérarchiques. Les jeunes étaient à l’écoute, ils posaient des questions et répondaient aux nôtres sans hésitation.

Dans les semaines qui ont suivi, j’ai eu le privilège d’animer des ateliers dans trois écoles secondaires différentes. J’ai rapidement constaté à quel point les jeunes sont allumés et intéressés par ces sujets qui les touchent au quotidien. Ils sont motivés, filles comme garçons, à se lever pour partager leur opinion.

En classe, on a abordé un mythe bien ancré dans les croyances de la communauté : sans jalousie, l’amour n’existe pas. Le déconstruire était primordial puisqu’au Pérou, plusieurs féminicides sont le résultat de violence conjugale teintée de jalousie. La majorité des jeunes affirme que la jalousie est toxique et que les relations amoureuses devraient plutôt être basées sur la confiance. C’est très encourageant. Ils semblent comprendre et intégrer les divers moyens de maintenir des relations saines, de s’affirmer, d’obtenir le consentement puis de chercher de l’aide s’ils vivent ou sont témoins de relations toxiques. Nous l’avons surtout observé lors des campagnes de sensibilisation dans les écoles. Les jeunes répondaient avec facilité aux multiples questions posées dans le cadre de jeux éducatifs.

Une communauté impliquée

J’étais très émue de voir à quel point les écoles s’investissent dans le développement émotif et critique de leurs étudiants. Elles invitent notamment plusieurs organismes à tenir des kiosques d’informations sur les services d’aide disponibles dans leur communauté. On convie à ces évènements : étudiants, parents et personnel éducatif, de sorte à sensibiliser tout l’environnement dans lequel l’enfant évolue.

J’aimerais ajouter que la capacité de sensibilisation et la vision progressiste d’Ayni Desarrollo sont admirables. Elles permettent de défaire les idées machistes toujours présentes dans la communauté.

Je me sens choyée d’avoir eu la chance de travailler conjointement avec les responsables de la région de Collique. D’après moi, les autres organismes de la communauté ont tout à gagner en collaborant avec eux.

Je reviens donc en terres canadiennes avec cette petite ville péruvienne tatouée sur le cœur, là où mon amour pour le travail communautaire auprès des jeunes a pris racine.

Frédérique Guy-Crevaux, stagiaire du Carrefour de solidarité internationale


Le programme de stages professionnels pour les jeunes est rendu possible grâce au soutien du Gouvernement du Canada.

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