Alessandra Pozzi – Stage en participation citoyenne Pérou 2015

11 novembre 2016
par Alessandra Pozzi

Dedicado a mi mami peruana…

Et puis, ton stage au Pérou? Qu’est ce qui t’as marqué le plus? Ma maman péruvienne! C’est ce que je réponds à chaque fois que l’on me demande ce que je retiens de mon expérience au Pérou.

En fait, je pense que peu importe la question, lorsque je parle de mon stage au Pérou, je finis toujours par raconter des histoires sur ma mère péruvienne… celle que j’aime tant appeler «mi mami». Elle joue un rôle très spécial dans ma vie, parce qu’elle a éveillé une nouvelle conscience en moi.

Les liens que nous avons tissés, ma maman péruvienne et moi, vont bien au-delà de l’hospitalité dont j’ai pu bénéficier dans ma famille d’accueil. Il s’agit de liens profonds qui nous ont amenées à développer une relation de sincérité et de confiance. Ces liens-là, nous les avons tissés petit à petit, souvent au déjeuner et au dîner lorsque nous partagions le repas ensemble et que le reste de la famille était à l’extérieur de la maison pour la journée, soit au travail ou à l’université. Nous parlions souvent de son enfance et de sa vie en tant que mère de quatre enfants. Originaire d’une ville située dans les montagnes de la cordillère des Andes, elle a migré dès son jeune âge à Lima, la capitale du pays, avec sa mère et ses sœurs et frères, comme bien d’autres familles péruviennes en quête de meilleures opportunités. Elle a donc grandi dans le district de Comas, où elle élèvera ses propres enfants quelques années plus tard.

Les liens que nous avons tissés, ma maman péruvienne et moi, vont bien au-delà de l’hospitalité dont j’ai pu bénéficier dans ma famille d’accueil. Il s’agit de liens profonds qui nous ont amenées à développer une relation de sincérité et de confiance.

Comas se trouve à être l’endroit où j’ai fait mon stage Québec sans frontières; j’y suis resté pendant 93 jours bien exactement. Ce district est le plus peuplé des 54 districts de la capitale de Lima, probablement en raison de telles migrations. Par conséquent, la capitale ne cesse de croître. D’énormes banlieues se forment autour de la ville de façon informelle, ce qui engendre la création de nouveaux districts faisant face à des enjeux de développement sur les plans urbanistique et socioéconomique. Plus précisément, Comas souffre de problèmes de violence et de délinquance, ce que l’État appelle «inseguridad ciudadana».

C’est dans ce contexte que ma maman péruvienne passera, peut-être trop rapidement, d’une gamine à une mère de famille. La réalité du district de Comas influence grandement la dynamique qui s’installe dans les foyers. Celle-ci se traduit, de façon assez générale, par un cercle vicieux de violence familiale dans lequel les femmes subissent à répétition des agressions verbales, physiques et psychologiques par leur époux et finissent par décharger leur colère sur leurs enfants. Le machisme étant très fort en Amérique Latine, la violence conjugale devient un problème de taille.

Toutefois, cette violence prend de l’ampleur et dépasse les limites du couple jusqu’à affecter directement les enfants. C’est en partie ce qu’a vécu ma mère péruvienne, ayant elle aussi enduré la discipline rigide de sa mère.

Malgré ce portrait sombre, il existe des histoires inspirantes qui nous redonnent espoir. C’est celle de ma mère péruvienne, entre autres, qui se débrouillera avec quelques sous pour veiller au bien-être de ses enfants dans le souci d’améliorer la qualité de vie de sa famille. Ma maman péruvienne est un véritable exemple de persévérance. Elle a enchaîné un sacrifice après l’autre pour offrir la meilleure éducation possible à ses enfants; trois d’entres eux sont maintenant des étudiants universitaires. Contrairement à la pensée populaire qui prétend que les femmes latino-américaines sont cloîtrées dans leur cuisine, ma mère péruvienne s’est toujours organisée pour travailler. Gagner un salaire lui permettait de mettre de l’argent de côté en cas de besoin. De cette façon, elle a pu profiter d’une certaine autonomie financière et ainsi éviter de dépendre de son mari. C’est, en effet, un fait connu que les femmes sont les meilleures gestionnaires d’argent au sein d’un foyer.

Mais pourquoi je parle de tout ça? Parce qu’à travers des moments d’échanges avec ma maman péruvienne, j’ai pris conscience de sa réalité (et indirectement de celle de bien d’autres femmes). Tranquillement, nous avons appris à nous connaître et à nous comprendre. Quand elle me racontait les épisodes les plus touchants de sa vie, nous devenions parfois émotives, la larme à l’œil de tristesse ou de joie. Ça nous faisait du bien aux deux de se parler et de s’écouter… c’est grâce à tout cela, en fait, qu’une conscience féministe est née en moi.

…à travers des moments d’échanges avec ma maman péruvienne, j’ai pris conscience de sa réalité (et indirectement de celle de bien d’autres femmes).

Cette nouvelle conscience s’est davantage concrétisée à mon retour au Québec. Pourtant convaincue avant mon départ que l’égalité femmes-hommes était atteinte au Québec, mon stage QSF m’a définitivement ouvert les yeux à ce niveau-là! Je me suis rendu compte que les inégalités envers les femmes découlent d’une mentalité machiste qui domine encore aujourd’hui plusieurs structures de la société québécoise. Je lui dois beaucoup à ma maman péruvienne pour m’avoir fait grandir en tant que femme du monde.

Et maintenant quoi? Des revendications féministes, ça c’est certain. Et aussi, beaucoup de nostalgie quand je repense à mon quotidien au Pérou…