Dominick Blouin – Stage mali 2015

11 novembre 2016
par Dominick Blouin

Mon moment marquant de ce stage au Mali est une forte amitié qui s’est créée avec une femme au cours de ces deux mois et demi. Cette relation a été marquante parce qu’elle m’a permis de prendre conscience de la condition des femmes au village. C’est une réalité que je connaissais parce qu’on en avait parlé lors des formations pré-départ, mais me lier d’amitié avec une femme et finir par me soucier de son bien-être m’a fait réaliser à quel point les femmes du village n’ont pas beaucoup de liberté.

Cette relation a débuté parce que Mariam connaissait un peu le français et elle a été désignée par ma famille d’accueil comme la deuxième personne qui se chargeait de moi quand mon père adoptif n’était pas présent. Mariam a environ 21 ans et elle a un bébé de peut-être deux ans.  Je passais du temps avec elle durant la première moitié du stage, mais notre amitié s’est réellement développée lorsque j’ai commencé à aller travailler au plan maraicher presque tous les soirs un peu avant notre mi-stage. De mon côté, je trouvais que ce que nous accomplissions en tant que groupe était peu comparé au temps qu’on passait au village, alors j’ai décidé que tous les soirs j’allais travailler environ une heure au jardin pour aider les femmes à puiser de l’eau et arroser leur parcelle de terre. Du côté des femmes, je crois qu’elles appréciaient mon aide jusqu’à un certain point. Elles travaillent fort, mais je crois que ce travail autour du puits est un moment rassembleur où elles peuvent discuter. C’est alors que Mariam m’a pris en charge et m’a invité à l’aider en particulier à chaque jour au lieu d’aider n’importe qui. C’était réellement un plaisir que de travailler chaque jour avec elle parce qu’on passait du bon temps ensemble. C’était pour moi un petit exercice et je pouvais socialiser avec plein de femmes tout en profitant des bonnes odeurs de menthe qui flottaient dans l’air. À partir du moment où je suis allé régulièrement au jardin, la réaction des gens du village quand ils me voyaient a changée et maintenant ils me saluaient en me remerciant de les aider. Mon amitié avec Mariam n’a fait que grandir avec le temps et j’ai appris à la connaître et comprendre sa réalité en tant que femme au village.

Mariam habite dans la concession de la famille où j’habitais, mais elle habite seule. Son mari est parti à l’aventure il y a trois ans, peut-être pour aller travailler et fonder une nouvelle famille en Côte d’Ivoire, personne ne le sait, mais Mariam m’a avoué qu’elle n’a pas espoir de le voir revenir un jour. Je crois personnellement que cette situation est créée par le mariage arrangé. Elle n’a pas eu le choix de marier cet homme et lui non plus, ce qui l’a peut-être poussé à partir. Il peut y avoir d’autres raisons, mais c’est mon opinion sur le sujet. En lien avec cette situation, je crois que c’est la liberté qui m’a le plus touché quant à la condition des femmes du village. J’ai vu qu’elles n’ont jamais eu le choix de faire ce qu’elles voulaient. Mariam n’est pas seule dans sa situation, il y a beaucoup de femmes qui vivent seules sans avoir de nouvelles de leur mari ayant quitté pour travailler à l’étranger. Mariam aurait bien aimé partir et faire autre chose de sa vie, mais elle ne pouvait pas quitter le foyer familial. C’est l’absence de possibilités qui me touche le plus ici. Néanmoins, ce qui me fascine, c’est qu’elles sont les personnes les plus souriantes et les plus heureuses que j’ai rencontrées. Elles savent s’amuser. Par exemple, le soir j’allais parfois avec Mariam et ses amies pour danser, boire du thé, discuter ou écouter de la musique. On passait beaucoup de temps ensemble. C’est difficile de se soucier de son bien-être et de voir qu’on peut faire très peu de choses face à cette situation. C’est ce sentiment d’impuissance qui m’a marqué le plus dans ce stage. C’est une expérience très personnelle, beaucoup plus que professionnelle, qui m’a fait prendre conscience de la réalité du monde dans lequel on vit. La liberté est une valeur importante qu’on peut parfois prendre pour acquis, alors qu’en réalité on est privilégiés d’avoir le choix dans notre société.